Nombre de victimes : environ 6 000 000 de morts, dont plus de 5 000 000 de Juifs, ainsi que des Tsiganes et des handicapés
Qualification : Génocide reconnu
Motifs du crime : race, couleur, origine ethnique, religion, convictions politiques, conditions sociales
Les Juifs descendants de Joseph vivent en Égypte lorsque les pharaons les soumettent à l’esclavage. Avec à leur tête Moïse, ils s’enfuient et traversent la mer Rouge. Leur destin est relaté dans la Bible. Lorsque Dieu donne à Moïse les Tables de la loi (les dix commandements), l’alliance est décisive : les Juifs deviennent « le peuple élu ». Leur errance de 40 ans dans le désert prend fin en 1420 avant notre ère, avec leur arrivée en « Terre promise » ou « Terre sainte », une région qu’ils nomment Judée, et qui correspond plus ou moins aujourd’hui aux territoires d’Israël et de Palestine. En 586 avant notre ère, la Judée est rasée par les Babyloniens et sa population juive est déportée à Babylone. Les Juifs réussissent à revenir sur leurs terres. Trois siècles plus tard, vaincus par Rome, ils sont contraints à un nouvel exil dans l’Empire romain, principalement sur le pourtour de la Méditerranée. Au fil des siècles qui suivent, les Juifs se dispersent à travers toute l’Europe et dans les empires musulmans, sans jamais plus posséder de territoire propre. Cette diaspora (dispersion) nourrit à la fois l’identité juive et le racisme antijuif en Occident (l’antisémitisme). Le « peuple élu » de la Bible devient le « peuple paria » (selon l’expression de Max Weber, 1864-1920).
Au Moyen Âge, les autorités chrétiennes multiplient les persécutions à leur endroit : interdits professionnels, lois discriminatoires visant à les acculer à la misère et massacres inqualifiables, parmi lesquels les pogroms (agressions meurtrières) de la Russie tsariste, entre 1881 et 1917. Dans l’Allemagne affaiblie par la Première Guerre mondiale et secouée par des crises politiques, l’antisémitisme va prendre une dimension haineuse jusque-là inconnue dans l’Histoire de la persécution de ce peuple. Adolf Hitler, le Fürher (le Guide) promet une « nouvelle Allemagne », le 3eReich, qui vivra mille ans.
Les nazis et leur chef, Hitler, exploitent la haine traditionnelle contre les Juifs pour les rendre responsables des problèmes de l’Allemagne, y compris la défaite de la Première Guerre mondiale en 1918. En somme, les Juifs deviennent le bouc émissaire de tous les maux de la société.
À l’époque, les Juifs sont bien intégrés en Allemagne, et prospèrent. Hitler considère leur influence excessive et, pour y mettre fin, invoque des théories soi-disant scientifiques qui prouveraient la supériorité de la « race aryenne germano-nordique ». Le programme du parti nazi est clair : « Seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen, il faut être de sang allemand, la religion importe peu. Aucun Juif ne peut donc être citoyen. »
Dans son livre Mein Kampf (1925-26), Hitler compare les Juifs à des parasites dont il faut se purifier. Il affirme qu’il y a un « sang allemand » et un « sang juif », une « race des seigneurs » et une « race d’êtres inférieurs ».
Après l’accession au pouvoir du parti nazi en 1933, la démocratie est démantelée et le racisme d’État donne lieu à une législation dont le but est d’isoler les Juifs de la société allemande et de les inciter à quitter le pays. En 1935, les nazis réunis à Nuremberg votent des lois qui retirent la citoyenneté au demi-million de Juifs vivant en Allemagne, spolient leurs biens immobiliers et mobiliers, et les contraignent à la ghettoïsation :
Les Juifs n’ont pas le droit de fréquenter les théâtres, les cinémas et autres lieux de divertissement […] Les Juifs n’ont pas le droit d’aller à la piscine, ou de jouer au tennis, au hockey ou à d’autres sports […] Les Juifs n’ont pas le droit d’entrer chez des chrétiens […] Les Juifs doivent fréquenter des écoles juives…
Cette politique de ségrégation est la première étape du plan nazi visant l’éradication des Juifs.
L’agression d’un conseiller de l’ambassade d’Allemagne à Paris, Ernst von Rath, par un jeune juif polonais, fournit le prétexte aux violences organisées contre les Juifs. Immédiatement, le ministre allemand de la Propagande, Joseph Gœbbels, dénonce un « complot juif » contre l’Allemagne. Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, les hitlériens fracassent les vitrines des magasins juifs et incendient les synagogues. C’est ce que l’Histoire va appeler la « Nuit de cristal » (Kristallnacht).
L’invasion de la Pologne par le Reich (la Nouvelle Allemagne nazie), en septembre 1939, déclenche la Deuxième Guerre mondiale. En quelques mois, les Allemands occupent une vingtaine de pays européens. Ils y appliquent une politique antijuive qui aboutit à l’exécution du plan mis au point à la conférence secrète de Wansee (en Autriche) : l’internement puis l’extermination systématique des 13 millions de Juifs d’Europe. C’est la « solution finale à la question juive ». Les exécutions collectives, puis les gazages dans des unités mobiles d’extermination ne suffisant pas à la tâche, les nazis construisent, à partir de 1942, des chambres à gaz ultramodernes alimentées au Zyklon B et complétées par des fours crématoires. Les camps de concentration deviennent des « camps de la mort », de véritables industries vers lesquels les Juifs, les « ennemis raciaux » (Tsiganes et peuples slaves) et les opposants au régime sont déportés par millions pour être exterminés.
En tout, près de 6 000 sites de travail, de concentration ou d’extermination (Auschwitz-Birkenau, Chelmno, Belzec, Sobibor, Maïdanek, Treblinka, Chelmno, etc.) ont été répertoriés à travers l’Europe occupée. Seulement en Pologne, sur 7 500 000 personnes enfermées dans ces camps, environ 6 700 000 ont péri dans des chambres à gaz ou sont mortes d’épuisement, de faim, de maladies, de travail exténuant, de tortures ou de brutalités.
Le 8 mai 1945 s’achève, en Europe, le plus terrible conflit de l’histoire de l’Humanité. Les nazis sont défaits par une coalition formée par les Alliés occidentaux et l’Union soviétique. Dans la foulée des lois racistes et antisociales, nombre d’autres groupes ont subi la politique de « purification » d’Hitler : les Allemands antinazis, les malades héréditaires, les asociaux, les criminels, les témoins de Jéhovah, les homosexuels, les syndicalistes, les libéraux, les apatrides, les prisonniers politiques et, du seul fait de leur nomadisme, les Tsiganes. L’eugénisme nazi a fait à lui seul 70 000 victimes allemandes.
Près de 50 millions d’êtres humains ont péri au cours des six années de cette guerre qui, dans l’Histoire, a été le conflit le plus meurtrier.
Le 30 avril 1945, dans son bunker encerclé par l’armée soviétique, Adolf Hitler s’enlève la vie. Pour échapper à la justice, d’autres dirigeants nazis se suicident à leur tour, entre autres Joseph Gœbbels (ministre de la Propagande) et Heinrich Himmler (chef de la Gestapo).
Après la capitulation des forces armées allemandes, une gigantesque chasse aux criminels de guerre s’ouvre dans le but de les traduire en justice. À lui seul, Simon Wiesenthal, surnommé le « chasseur de nazis », aide à traquer et à retrouver plus d’un millier de nazis.
Le procès du Tribunal militaire international de Nuremberg, instruit en 1949, révèle les innombrables atrocités du régime nazi et établit, sans aucun doute, que Hitler avait créé un État criminel. Sur les 24 accusés, 12 sont condamnés à mort, dont la deuxième personnalité du régime, Hermann Gœring.
Plusieurs procès nationaux suivent, à l’issue desquels sont condamnés des médecins qui se sont livrés à des expériences médicales sur les prisonniers, des juges qui ont commis des crimes sous le couvert d’une procédure judiciaire, des officiers SS (troupes d’assaut) qui ont dirigé des camps de concentration et fait appliquer les lois raciales, et des industriels qui ont participé au pillage des pays occupés et ont abusé du programme de travail forcé. De leur côté, les tribunaux allemands attendent jusqu’en 1963 avant de juger puis condamner 19 responsables du camp d’extermination d’Auschwitz.
L’Allemagne vaincue est occupée par les puissances victorieuses (États-Unis, URSS, Royaume-Uni et France) et dénazifiée. La majorité des survivants juifs européens s’exilent dès la fin de la guerre, notamment en Amérique du Nord ou du Sud et en Palestine, où est proclamé, en 1948, un nouvel État juif : Israël. Les Juifs récupèrent ainsi une partie de leur « terre promise » biblique, la Judée, près de 2000 ans après en avoir été chassés.
Le 27 septembre 1951, Konrad Adenauer, chancelier de la République fédérale d’Allemagne, présente à Israël les excuses officielles du peuple allemand pour tous les crimes commis par les nazis, assorties d’une offre de réparation morale et matérielle. Dans la décennie 1990, des recours et des demandes d’indemnisation ou de restitution ont été engagés contre d’autres pays qui ont spolié les Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale : France, Autriche, Suisse, etc.
Pour désigner le plus grand massacre de leur histoire, les Juifs utilisent de préférence au terme Holocauste, à connotation religieuse, le mot Shoah (de l’hébreu, signifiant « catastrophe », en référence à la soudaineté et à la peur).
Le génocide de la Deuxième Guerre mondiale continue à façonner la mémoire collective et la destinée des Juifs. La Journée internationale du souvenir des victimes de la Shoah (Yom HaShoah) donne lieu chaque année à plusieurs cérémonies tant en Israël que dans toute la diaspora juive. La date, déterminée selon le calendrier hébraïque (fin avril ou début mai), coïncide avec l’anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie (Pologne).
Depuis 1953, Yad Vashem (sur le Har Hazikaron, ou colline du Souvenir, à Jérusalem) est le mémorial central de la Shoah et, en même temps, l’institut de documentation et d’expositions le plus complet sur le génocide des Juifs européens. On y honore aussi les Justes des Nations, c’est-à-dire les non-Juifs qui ont risqué leurs vies pour sauver des Juifs pendant le nazisme, notamment l’Allemand Oscar Schindler.
Les anciens camps d’extermination en Pologne sont devenus des lieux de pèlerinage et, partout dans le monde, de nombreux musées se consacrent au souvenir du génocide juif, parmi lesquels le Centre commémoratif de l’Holocauste à Montréal.